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L’équipe d’Alain Ducasse (de gauche à droite) : Michaël Bartocetti (Chef Pâtissier), Gérard Margeon (Chef Sommelier Exécutif), Laurent Roucayrol (Chef Sommelier), Romain Meder (Chef Exécutif) et Denis Courtiade (Directeur du restaurant).

Au Plaza Athénée

Alain Ducasse et le chef Romain Meder

Le restaurant gastronomique du Plaza Athénée (Paris 8e arr.) rouvre officiellement ce lundi. Alain Ducasse a présenté le concept de cet établissement flambant neuf à l’AFP. À l’honneur la naturalité, un retour à l’essentiel, sans fioritures tout en mettant en avant le savoir-faire français .

Cet entretien a été réalisé par le correspondant de l’AFP

 

RELAXNEWS / AFP – Vous avez choisi de placer l’esprit de votre nouvelle carte au Plaza Athénée sous le signe de la « naturalité Â». Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

 

ALAIN DUCASSE – C’est la suite d’une démarche qui me tient à cœur depuis longtemps. J’ai décidé pour cette réouverture de me concentrer sur un retour à l’essentiel. Déjà à Monaco, le 27 mai 1987 précisément, j’avais lancé un menu céréales et de légumes, plat qui a été pérennisé depuis, fort de son succès. Aujourd’hui, cette offre représente 20% des menus vendus. J’ai sorti des livres également qui prônent un retour à l’essentiel. Il me semble important que les consommateurs mangent plus sainement. J’ai voulu mettre de la naturalité dans l’assiette, dans les contenants, mais aussi dans le cadre de ce restaurant. Le gras, le sucré sont des fléaux à trop forte dose. Je préfère jouer sur le ton sur ton, créer des harmonies avec les condiments. Mais attention, la naturalité n’exclut pas le luxe et la mise en scène comme le cristal des verres, le vermeil des couverts, le chêne des tables, sans nappe.

 

Alain Ducasse et le chef Romain Meder

Que cherchez-vous à apporter à vos clients ?

 

J’aimerais leur donner une émotion différente. Un subtil rapport entre le tangible et l’intangible. Le tangible, c’est l’extérieur, la vie de tous les jours alors que l’intangible c’est un moment délicieux que le client doit garder en mémoire toute sa vie. Nous sommes comme des marchands de bonheur, qui créent une sensation éphémère, mais qui doit aussi laisser une empreinte à vie.

Céréales, légumes, poissons…

 

La viande est-elle vraiment absente de la nouvelle carte ?

 

Non pas complètement bien sûr ! J’ai voulu mettre à l’honneur cette trilogie qui compose l’essentiel de notre carte, mais nous servons également des morceaux du boucher, de la volaille, selon l’arrivage du jour et en quantité limitée, selon l’humeur et les choix du boucher Hugo Desnoyers. La carte compte six entrées, six poissons et six desserts.

 

L’excellence gastronomique peut-elle faire se tutoyer turbot et maquereau, caviar et lentilles… des produits humbles et des produits réputés plus nobles ?

 

Tout à fait. J’ai voulu montrer à travers cette nouvelle carte qu’il n’existe pas de hiérarchie dans les aliments. L’excellence se trouve aussi dans les produits les plus humbles. En les cuisinant différemment, en faisant par exemple l’éloge de la lenteur. Chaque met a été pensé pour que l’objet soit en harmonie avec ce qu’il contient. Je prône le juste assaisonnement, car quand on a tout enlevé, et qu’il ne reste rien, il faut que cela tombe juste. Je veux démontrer qu’en mariant les produits les plus humbles et les plus nobles, on peut faire de la haute cuisine.

 

Est-ce une cuisine éthique, qui rompt un peu avec toutes les tendances actuelles, comme la cuisine moléculaire ?

 

La cuisine moléculaire a apporté de bonnes choses à la gastronomie, mais on ne sait toujours pas si cela est vraiment bon pour la santé. C’est une cuisine plus de l’effet que de fond. J’ai voulu une cuisine sans effets, simple. Mais je suis persuadé que nous allons revenir à plus de modestie. Le règne du gras, du sucré, du crispy et du spicy, est arrivé à terme. Il faut réorienter tout cela, mais je n’ai pas la vocation de le faire seul.

 

Y-a-t-il déjà un plat qui pourrait devenir votre plat « signature Â» ?

Le « best of Â», on ne pourra le définir que dans trois mois, et ce sont les clients qui jugeront. Mais j’ai déjà mes préférences comme les lentilles mariés au caviar d’élevage ou encore le quinoa cultivé en Anjou associé aux racines et coquillages, qui est un plat très fort.

 

Pourquoi avoir fait appel au cuisinier japonais Toshio Tanahashi ?

 

J’ai rencontré Toshio Tanahashi lors d’un repas à Kyoto et je ne voulais plus quitter son établissement tant qu’il n’acceptait de venir quelques mois à Paris avec moi pour enseigner la cuisine shojin à Romain Meder et sa brigade, une cuisine qui traite les légumes avec soin. L’Asie propose une cuisine plus savante, mais d’un pays à l’autre, vous ne trouverez pas la même approche. C’est la plus riche. L’an prochain, nous ouvrirons, j’espère notre premier restaurant en Chine.

 

Le restaurant du Plaza Athénée est-il le premier d’une lignée d’autres établissements qui prôneront la naturalité ?

 

On va déjà faire en sorte que celui-là marche ! Mais oui, cette approche peut se décliner aux quatre coins du monde.

 

Peut-on toujours parler de cuisine française ou doit-on plutôt évoquer une cuisine internationale ?

 

C’est encore de la cuisine française notamment parce que nous apportons le savoir-faire français, la technique. Et sans technique de coupe, de cuisson par exemple, pas de haute cuisine ! C’est même l’une des expressions de la naturalité : des produits sélectionnés de grande qualité travaillés avec technique, comme saigner un bar que l’on coupe ensuite dans l’assiette avec un couteau… à viande, car sa chair ainsi travaillée, cuite, le demande.

 

Et les vins dans tout ça ?

 

Nous avons travaillé avec le chef sommelier, Gérard Margeon, pour proposer de beaux vins rouges avec le poisson, une alliance qui marche bien. Notre carte est composée de 50% de rouge et 50% de blanc.

 

Pensez-vous que votre démarche au Plaza Athénée influencera d’autres grands chefs ?

 

Je ne veux pas me poser en donneur de leçon. Je pense qu’en tant que cuisinier j’ai une responsabilité dans mes restaurants. Il faut apprendre à partager, à mieux consommer, de manière plus éthique, manger moins, mais mieux. J’en suis intimement convaincu. Et je ne suis pas le plus avancé dans la naturalité. Par exemple, Dan Barber aux Etats-Unis propose à la carte des plats préparés à 80% avec ce qu’il produit dans sa ferme. Je n’ai rien inventé, mais aujourd’hui, j’ai envie de faire.

 

N’avez-vous pas peur de prendre un risque auprès des plus grands guides, des critiques, avec votre positionnement ? (Le restaurant était classé 3 étoiles au Michelin avant sa fermeture, ndlr)

 

Je vais simplement faire mon métier de cuisinier et eux leur métier de guide. Cela dit, notre ambition est très clairement d’obtenir 3 étoiles.

 

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